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Clowns Sans Frontières à Kinshasa
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6 janvier 2008

Un texte qui nous a parlé...

Pas trop le temps jusqu’ici d’écrire, juste le temps de partager ce texte de Virginie Dupray, d’après l’œuvre de Kura Shomali, plasticien du collectif Eza possible.

Patricia

« Nous sommes, vois-tu, au commencement.. 1979, Kanaga, un beau jour de mai, 1985 ou 86, je ne sais plus bien, arrivée à Kin. 2001, je mets un terme à ma future carrière de médecin et entre à l’académie des Beaux-Arts. 2003, on crée les Eza possibles. Partant de rien, on est au moins sûrs dans ce pays d’arriver quelque part et à plusieurs, ça peut aller plus vite. Un peu comme la maman qui prépare le fufu national pour nourrir toute la famille. 2004, je sors, mon diplôme en poche…Nez à nez, avec dix millions d’existences. Au commencement… Je passe, je prends, je ramasse, pêle-mêle, à la pelle, tout m’intéresse. J’attrape au vol, à la volée, plastique, ferrailles, peinture, habitudes, tout est matière…Mais ne me faites pas le coup du recyclage à l’africaine, non, plutôt la récolte de ce que je n’ai pas semé, la vie qui grouille, entêtée, les songi songi , toujours vivaces, colportés de bières en goulot, de shégés en parcelles, les va-et-vient et les signes. Je continue : j‘attrape, je jette, j’emprunte, je demande pas : « Cette parcelle n’est pas à vendre », de toute façon, on connaît jamais le proprio. Je couds les rues, je raccommode le quotidien, toujours de quoi faire, jamais en manque d’histoires « made in China », usées en Europe, terminées au Congo, ou parfois direct China-Congo : pas de contrôle technique ici, tout peut et doit marcher, pour longtemps. Contrairement aux gens, les objets vivent vieux et les conversions sont spectaculaires…Multiples réincarnations dans le grand bantou, toujours un truc à récupérer, à inventer, un sport national. Je continue : je bats le fer quand il chaud, ici il est toujours chaud. Je pioche dans les journaux, du local, de l’international, je pique, je greffe, ça prend toujours, le climat est propice, tout pousse, toujours, en dépit de tout. Je zappe. C’est la nuit. Je traîne, je tends l’oreille. Du son, du gros son qui sature et dégueule sur le voisin…Place à la bière, aux griffes quand on peut, aux églises quand on peut pas et qu’on voudrait pouvoir un jour… Le temps d’oublier le transport qui ne vient pas, les 4x4 de la Monuc qui viennent mais ne s’arrêtent pas, les politiciens pachydermes qui mangent et digèrent en se demandant comment mieux manger demain…

Je zappe.

Je croque, je dessine, je découpe, je colle, carnet quotidien de cette grande performance à ciel ouvert, 10 millions de figurants, même pas payés…Des dessins que je pose avec mes marionnettes ou que j’installe sur des vieilles chaises de nganda, le plastique raconte des histoires au papier… La ville est grande, la vie plutôt courte ici. Je continue."

Editions de l’œil ; Les carnets de la création.

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