Le malaise kinois
Nous voilà de retour d'une journée sur la commune de N'Sélé. Ca fait partie de Kinshasa mais c'est un milieu purement rural. L'impression du repérage s'est terriblement confirmée. Il y a un vrai fossé entre la vie citadine kinoise et ces endroits plus reculés, moins denses. Les gens ne sont pas plus riches dans les campagnes mais l'organisation sociale est encore présente. On sent une vraie solidarité, une attention et des codes et règles qui régissent le quotidien. Tout l'inverse du tissus urbain de Kinshasa. A N'Sélé, nous avons rencontré des populations qui se battent réellement pour avancer. Nous y avons croisé un quartier de veuves et orphelins de guerre puis un camp-village de déplaces de guerre venant de l'est. Les deux ont un point commun trés fort, le lien social et la place des anciens maintiennent une situation qui pourrait dégénéré facilement. Ils ont un autre point commun, c'est d'avoir été aidés par des occidentaux à un moment. Les veuves de guerre par une ONG canadienne qui a acheté le terrain, construit des maisons pour accueillir ces gens. Le programme s'est terminé et maintenant les nouvelles maisons sont construites en paille et les résidents sont contraints à une autosubsistence à laquelle ils ne semblent pas avoir été réellement préparé. Les déplacés de guerre ont, de leur côté, été aidés par les programmes alimentaires des Nations Unis. C'est aujourd'hui terminé. Il ne leur reste plus qu'à improviser des cultures et recoudre leurs universelles baches bleues UNHCR qui font office de mur pour un certain temps et même un temps certain, à n'en pas douter... Loin de moi l'idée de faire le procés de quelque organisation humanitaire que ce soit. Les contraintes sont énormes, la nécessité d'une vision globale à l'échelle du pays omniprésente et les moyens pas toujours au rendez-vous. Néanmoins, aujourd'hui, dans ces deux endroits en particulier, un petit coup de pouce permettrait, à n'en pas douter, de sérieusement accélérer le développement de ces communautés. D'autant plus que l'une comme l'autre n'a, visiblement pas vocation à être encore déplacée. Si ces préocupations peuvent rentrer dans le programme d'une organisation intervant en RDC, nous serons heureux de lui livrer nos impressions... Pour en revenir à l'origine de notre projet, la situation est toujours aussi complexe. Nous avons imaginé notre intervention comme un soutien aux acteurs sociaux locaux et occidentaux intervenants auprés des gamins des rues. Aprés 10 jours de repérages et 9 jours de présence avec toute l'équipe, le même sentiment d'impuissance perdure. On ne peut pas comprendre ce phénomène d'exclusion des gamins sans en connaitre l'origine ni sans comprendre la perception de la population locale. L'origine, déjà, c'est vaste. Cela peut être des gamins démobilisés des milices au moment du programme de la Conader (intégration de toutes les milices du pays dans l'armée officielle - les FARDC) qui n'ont pas été pris en charge jusqu'au bout par le programme ou des enfants accusés de sorcellerie par leur propre famille. Les enfants sorciers, c'est un phénomène terrible. C'est trop long à expliquer ici, mais vous trouverez sur ce blog, dans la partie ressources, un trés bon dossier de l'ONG Save the Children sur le sujet. Il faut bien se mettre dans la tête que le congolais n'aime pas moins ses enfants que le français. A partir de là, des mécanismes sociaux et superstitieux viennent poluer les réactions instinctives au point de voir des enfants de 4, 5 ou 6 ans vivre dans la rue. je trouve intéressant de regarder aussi la perception qu'a la population de ces gamins. Ici tout le monde les apelle "Shégués". J'ai naïvement cru à une traduction en Lingala de "Gamin des rues". Visiblement ce terme est trés péjoratif. une sorte de "Racaille" local. Une spirale : exclusion - survie donc vol/violence/prostitution - exclusion des exclus... Une spirale qui attire la vigilance. Des parallèles qui me traversent de plus en plus l'esprit. Que faisons nous avec nos gamins des cités ? Mise au banc social - recherche de reconnaissance par tous les moyens : vol/violence - stigmatisation. Je ne sais pas si on a exporté notre modéle social avec la colonisation ou s'il est universel mais les points communs sont troublants.... A trés bientôt Jordi